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5 mai 2011 4 05 /05 /mai /2011 18:56

couv-segent-copie-1.jpgAvant-dire


Parmi les perversions les plus extravagantes il en est une, aussi invraisemblable que mal connue, qui n'a de panthéon que dans le mythe, l'imaginaire et la fiction littéraire, picturale ou cinématographique. Le grand public incrédule, peut-être par un souci de tranquillité d'âme, a préféré la reléguer et la verrouiller à double tour dans l'arrière-boutique de ses ancestrales frayeurs pour la mieux coaguler dans l'édifice de la légende. Il s'agit de la nécrophilie. Cette inclination morbide existe bel et bien. Elle se perpétue depuis les temps les plus reculés de l'humanité. Les Égyptiens, par exemple, comme nous le relate Hérodote (Histoires, livre II, chapitre 89), accordaient une confiance bien limitée à leurs embaumeurs : « Les épouses des notables d'Égypte, après leur mort, ne sont pas livrées immédiatement aux embaumeurs, surtout quand elles ont un renom de beauté. On attend trois ou quatre jours. Les Égyptiens font cela pour que les embaumeurs ne profanent point le corps de ces femmes. »

 

Nos dictionnaires datent la naissance du mot nécrophilie en 1861 et l'associent au nom de Monneret. Il semblerait cependant que la paternité en revienne à un aliéniste belge, le dt r Guislain. Il fit entrer le nécrophile « dans la catégorie des aliénés destructeurs ». Avant cette date le terme de vampire désignait indistinctement le mort qui, selon la superstition populaire, désertait de temps à autre le royaume des ombres pour accomplir dans la vie des actions maléfiques, et le profanateur de cadavres.

Il y eut au XVIIIe siècle une véritable épidémie vampirique. les écrivains tels que Voltaire et Jean-Jacques Rousseau, pour ne citer que ceux-là, n'hésitèrent pas à évoquer ces créatures infernales, au sens chrétien du terme. Le mot vampire, d'origine serbe et magyare, dont l'apparition dans notre langue est attestée en 1746, a très vraisemblablement été employé la première fois en 1717 dans Relation d'un voyage du Levant de Tournefort. Toutefois, la superstition des vampires remonte aux premières heures du Moyen Age en Europe centrale et notamment dans la région de Transylvanie. Quant à la terreur du vampirisme, elle semble inscrite depuis fort longtemps dans le code génétique de l'homme qui a toujours eu peine à croire que les morts pouvaient être des morts à temps complet. Et s'ils s'échappaient tous ensemble de leur tombe pour exterminer les vivants? Cette vision panique a, par le passé, encombré bien des esprits.

 

Il existe pourtant une différence fondamentale entre le suceur de sang sorti de son tombeau avec des idées vengeresses, qui n'hésite pas à s'unir charnellement avec des vivantes, et l'homme habité par d'effroyables tempêtes internes qui ne parvient pas à maîtriser ses pulsions au point de rechercher par tous les moyens l'assouvissement de ses macabres désirs sur des trépassés.

 

Le très extraordinaire sergent Bertrand à qui nous consacrons ce livre fut, pour sa part, un nécrophile de la plus pure espèce, un spécimen d'une infinie rareté, un cas clinique type pour les professionnels de la santé mentale. Il plongea dans l'effroi les populations de son temps et les faits dont il se rendit coupable sont d'une nature si étrange que l'imagination a peine à les admettre. Cette affaire, considérée comme incroyable, suscita, malgré tout, l'intérêt et la curiosité d'un certain nombre d'amateurs d'histoires fantastiques puisées à même le vivier de la réalité la plus terrifiante. Cet homme jeune, si cultivé, si raffiné, si lucide et si perfectionniste dans l'art de découper les mortes après les avoir cajolées convenablement, fascina, il faut bien en convenir, non seulement les collectionneurs d'étrangetés psychologiques mais aussi des écrivains, des graveurs, des peintres...

 

Ce militaire aux très bonnes manières, du moins avec les vivants, fut, en quelque sorte, victime d'une ambiguïté linguistique. En effet, en 1849, date à laquelle le 2e conseil de guerre de Paris le jugea pour « violation nocturne de sépultures et mutilation de cadavres », le mot nécrophile n'avait pas encore fait son apparition. Pour la presse comme pour les autorités civiles, militaires et médicales il s'agissait donc d'un vampire. Dans l'esprit du grand public il n'existait de ce fait aucune différence entre l'épigone d'un Dracula issu des légendes et des croyances populaires et un homme de la réalité quotidienne qui s'acharnait sur des mortes avec un instinct destructeur d'une rare magnitude. Le personnage qui viola le tabou passa donc soit pour un simple d'esprit, soit pour une créature mythique.

 

Nombre de nos contemporains immédiats refusent l'idée d'un tel particularisme comportemental. Ils l'attribuent aux facultés d'affabulation de ceux qui en font état. Au risque de bousculer leurs certitudes, qu'ils admettent une fois pour toutes que la nécrophilie n'est pas l'apanage d'une époque. Même si elle ne portait pas ce nom savant avant 1861, elle perdure depuis les temps les plus lointains et rien ne peut l'exclure de l'actualité. Car, au départ, elle se trouvait dissimulée dans les bagages de l'homme initial, au même titre que la frayeur des fantômes ou la peur de la nuit. De nos jours, il ne faut pas se voiler la face, vivent parmi nous des nécrophiles flagrants qui recherchent, chaque fois que l'occasion leur en est donnée, à sexualiser leurs rapports avec des trépassées. Il s'agit, fort heureusement, de cas pathologiques isolés que l'on rencontre plus particulièrement chez des personnes qui, de par leur profession, côtoient la mort.

Éros et Thanatos ont toujours partagé le même lit. Toutefois, que notre lecteur se rassure! Pour notre part, la femme vivante accapare suffisamment notre esprit, nos sens et notre raison d'être sur toute la largeur du clavier de notre quête existentielle sans que nous ne ressentions le besoin de vouer aux trépassées des sentiments autres qu'empreints de désolation et de respect. Seulement pour nous, dans notre démarche vers l'insolite en prise directe avec le réel, toute vérité constitue une source de lumière. Voilà qui nous conduit aujourd'hui à nous pencher sur le cas du sergent Bertrand un peu à la manière d'un entomologiste qui, pendant quelques heures de sa vie, décide d'observer un insecte rare.

 

De longue date nous connaissions la renommée de ce sulfureux personnage. Nous l'avions croisé moult fois dans nos lectures et à l'occasion de nos recherches. A deux reprises il nous a même été donné, dans le livre que nous avons consacré au cimetière du Père- Lachaise et dans celui où nous racontons l'histoire des différents champs de repos de la capitale, d'évoquer sa pathologie en quelques pages, en nous contentant, dans les deux cas, de reproduire quelques extraits des ahurissantes déclarations qu'il fit publiquement au moment de son procès.

 

Au fil des années il nous a fallu tenter de rassembler ce qui était épars aux fins de construire, avec le ciment de la patience, une mosaïque cohérente.

 

Jusqu'à ce jour, et à notre connaissance, aucune étude d'ensemble n'a traité à la fois de la vie du sergent Bertrand et de sa pathologie dont la Faculté s'est courageusement emparée au moment des faits. Cependant, notre nécrophile inspira au moins deux romans : La Bête noire de Guy de Wargny (le Dinosaure, 1965) et Le Loup-Garou de Paris de Guy Endore (NéO, 1987). Dans leur Musée des vampires (Henri Veyrier, 1976) Roland Villeneuve et Jean-Louis Degaudenzi nous précisent que Guy de Wargny « transforma Ber¬trand en un croque-mort modèle, dévoré par l'ambition d'implanter des salons funéraires en tous les endroits du globe ». Quant à Guy Endore, écrivain américain très mal connu en France (1900-1970), il publia son Loup-Garou de Paris sous le titre original The Werewolf of Paris en 1933. Ce livre a été traduit de l'américain et présenté par Jacques Finné qui prévient le lecteur qu'il s'agit bien « d'une projection romanesque de l'authentique sergent Bertrand ». ans son introduction il écrit : « Guy Endore, usant de ses droits de romancier, a choisi une fin pour Bertrand, une fin imaginaire mais plausible. C'est de cette même liberté, d'ailleurs, qu'il s'est servi pour déplacer la chronologie. » Outre ces deux ouvrages, nous supposons que Léon Gozelan a été influencé par l'affaire du sergent Zertrand quand il intitula l'un de ses romans Le Vampire du Val-de- Grâce (1861). Pour la petite histoire littéraire, nous relèverons que dans leur Journal en date du 8 juin 1857 les Goncourt notent que ii arbey d'Aurevilly, dans un article paru dans Le Pays, le 4 juin 1857, les a traités de « sergents Bertrand de la littérature » à propos de leurs intérêts littéraires et notamment de la publication de Sophie Arnould et des premiers Portraits intimes.

 

Dans les quelques livres et articles où apparaît le sergent ertrand, les points d'interrogation succèdent aux points d'interrogation et les versions les plus fantaisistes fleurissent quant à la destinée que connut notre jeune militaire après le 10 juillet 1849, date de son procès. Dans sa thèse en médecine soutenue le lundi 23 décembre 1901 à la faculté de Lyon, le très sérieux Alexis Épaulard, qui se pencha tout particulièrement sur le cas de Bertrand, écrit à propos de notre nécrophile :

« Il déclara au Dr Lunier que, grièvement blessé, il pourrait rentrer dans l'armée en qualité de simple soldat comme il en avait le droit, sa condamnation purgée, et qu'il partirait à l'étranger. »

 

 Il accomplit sa peine à la prison de Belle-Ile-en-Mer. Puis? [...] voilà qui serait extrêmement intéressant de savoir. La guérison fut-elle complète? Bertrand ne présenta-t-il jamais de troubles mentaux graves? »

 

Pour Emmanuel Car, dans le numéro de Détective du 3 septembre 1936, « François Bertrand, le vampire, avec l'héritage de son père, mort de honte avant le procès, acheta un petit commerce de vin à Bordeaux, se maria... Et il eut beaucoup d'enfants! »

Dans son Guide pittoresque et occulte des cimetières parisiens (la Table Ronde, 1972), Pierre Marie' nous dit que Bertrand « se suicida après sa sortie de la geôle du Cherche-Midi, où il avait été un prisonnier modèle ». Ce même auteur nous avait déclaré six ans plus tôt, dans le tome H du Guide de Paris mystérieux (Tchou, 1966) : « Il accomplit sa peine au bagne de Belle-11e. On ignore ce qu'il devint ensuite. » Quant à Jacques Finné, dans son introduction au Loup-Garou de Paris, dont il a été question plus haut, il s'interroge : « lu sort final de Bertrand, nul ne sait, rien. Est-il redevenu « normal » après sa sortie, comme il le laisse sous entendre dans les dernières lignes de sa confession? A- t-il épousé une paysanne avec qui il aurait tenu un petit troquet populaire? A-t-il, une fois l'Europe parcourue, cherché fortune en Amérique ou se serait-il fixé comme entrepreneur de pompes funèbres en compagnie d'une aimable teutonne? » Pour cette dernière hypothèse l'auteur nous renvoie à une note : « Opinion (romanesque) de Guy de Wargny. »

 

Nous nous garderons bien de porter un jugement de valeur sur le travail de nos prédécesseurs. Toutefois, pour notre part, nous nous sommes livré à une longue et méticuleuse enquête qui nous a permis de retrouver, pièces d'archives en main, ce qu'était devenu le sergent Bertrand après son procès ainsi que le lieu et la date de sa mort. Malheureusement, certaines zones d'ombre demeurent. Elles émaillent la vie de ce gentil garçon, grand dépeceur de personnes déjà mortes devant l'Éternel qui, par ses pulsions cycliques et nécropolitaines, permit aux spécialistes de la médecine mentale d'enrichir leurs connaissances sur une déviance mal connue.

 

Si parmi nos lecteurs il s'en trouve de trop impressionnables, au sens photographique du terme, qu'ils soient assurés que l'authentique histoire du sergent Bertrand risque, de par la nature même des déclarations de notre personnage, de les précipiter dans de sombres tourbillons et de leur provoquer d'insupportables cauchemars.

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3 mai 2011 2 03 /05 /mai /2011 12:50

couv-14.jpgCe livre est une fresque historique qui retrace les différentes étapes de la formation du 14e arrondissement. L'auteur sillonne les trois monts (Montparnasse, Montsouris, Montrouge) et tout ce territoire qui, avant 1860, n'était pas encore rattaché à la Ville de Paris. Il évoque successivement les hauts lieux de cet arrondissement, notamment le Montparnasse des années 20, le parc Montsouris, la Cité universitaire, l’Observatoire... Il est également question dans cet ouvrage des barrières, des fortifications, de la zone, du marché aux puces, de Notre-Dame-du-Travail comme de certains édifices qui portent témoignage de la tradition hospitalière ou conventuelle...

 

Michel Dansel, écrivain ancré dans le 14e de fort longue date, voue à l'amitié, à l'humour et à la poésie un culte contagieux. Docteur en littérature et en civilisation française, diplômé de l'Ecole Pratique des Hautes Etudes, prix du Quai des Orfèvres, prix de l'Humour noir, prix des Bouquinistes, médaille de Vermeil de la Ville de Paris pour ses différents ouvrages sur la capitale, il porte haut dans son cœur les multiples quartiers de son arrondissement.

 

 

Il me fait joie de dédier ce modeste livre à tous ceux et à toutes celles qui, souvent à leur insu, ont contribué à intensifier en moi l'impérieuse, l'excessive et la vitale nécessité de me reconnaître en permanence, comme dans un miroir, au fil de mes déambulations dans le 14e arrondissement. Ils sont fort nombreux, certes !


Je n'en citerai que quelques-uns. Je songe notamment à René et à Geneviève, les gardiens des 9, 11 et .13 de la rue Friant ; aux gardiens du 20 de l'avenue Paul Appell et à ceux du 117 boulevard Jourdan ; au docteur Richard Sartène ; au personnel du « Zeyer » ; à Constantin et à Gwenale Hagondo¬koff, des flammes vives d'un Montparnasse des Arts et des Lettres qu'ils ne cessent de célébrer ; aux bons amis du « Gasparino », et notamment à Enzo ; au Grand Maître de « L'Olivier » ; à Mme Chantal Brocard ; à Patrick Cardon ; à Nicolas Novikov et à son épouse, les maîtres d'œuvre du « Zakouski » ; aux pilotes de « Amuse bouche » ; à Jean et Catherine Magne ; à tout le personnel marin du « Bistrot du Dôme » , et notamment à Gilbert, ce capitaine d'exception ; à Kamal et à Habiba, ces amis de sable, de pyramides et de lumière.

 

Une mention toute particulière revient à mes amis François Cosson, la poutre maîtresse d' « Optimus », à Montrouge, et à Carla, qui vouent à l'amitié un culte contagieux.

 

Cette énumération n'est pas exhaustive, loin de là J'y associe très volontiers toutes celles et tous ceux qui portent haut dans leur coeur le 14e arrondissement. Sans aucune distinction, ils sont de ma croisière ! Je leur dédie donc également ce livre, en témoignage de complicité sur la mosaïque d'un territoire dans lequel je m'estime pathologiquement de pleine souche et de complet feuillage.

 

Pour commander l'ouvrage : http://dansel.routedesmiels.com/

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